La Tchécoslovaquie sous le communisme

L'entrée de la Tchécoslovaquie dans le Bloc de l'Est

Entrée dans la sphère d'influence de l'URSS depuis la Conférence de Yalta en février 1945, la Tchécoslovaquie s'en accommode plutôt bien. Face au grand danger que reste dans les esprits l'Allemagne, face à des Européens de l'Ouest les ayant trahi à la Conférence de Munich et face à un capitalisme dont on pense alors qu'il ne peut conduire qu'aux crises et aux guerres, l'URSS est un allié naturel. De plus, l'idéologie soviétique, théoriquement défenseur des Nations, séduit des peuples historiquement placés sous la domination de puissances extérieures.

Comme les autres démocraties populaires d'Europe de l'Est, le pays est à la recherche d'une troisième voie entre 1945 à 1948. L'heure du choix sonne avec le plan MARSHALL, que l'URSS empêche en aidant les Partis Communistes locaux à s'emparer du pouvoir, selon la " tactique du salami " (ou tactique du saucissonnage). S'appuyant sur le KOMINFORM, successeur de l'Internationale Communiste créé en 1947, il s'agissait pour les communistes locaux d'investir les principaux postes clés du pouvoir, et tranche par tranche, d'éliminer les concurrents politiques.

La collectivisation forcée des moyens de production

Á la fin des années 1940, l'URSS s'impose comme le modèle des économies de type soviétique (ETS). L'organisation des régimes des pays de l'Est est copiée sur celle de l'URSS, la plupart des réglementations étant traduites du russe et appliquées telles quelles. Cette mainmise sur la vie sociale s'étendait aux domaines économique, politique, scientifique, culturel et artistique. Elle est renforcée par la signature du Pacte de Varsovie en 1955 puis par l'édification en 1961 du Mur de Berlin, témoignage du durcissement de la Guerre Froide.

Lors du premier « Coup de Prague » en février 1948, l’URSS détourne la Tchécoslovaquie de l'Occident. La crise est provoquée par la démission de la plupart des ministres non communistes, hostiles aux options radicales du chef du gouvernement, K. GOTTWALD. Le Président E. BENES est forcé d'accepter la nomination de ministres communistes. Le Parti Communiste, devenu majoritaire dans le gouvernement, prend le pouvoir. Le pays est forcé de participer de à la grande aventure communiste, ce qui met un frein à son développement économique. Comme les autres pays de l'Est, la Tchécoslovaquie se voit tout d'abord empêchée d'accepter l'Aide Marshall, puis c'est ensuite toute relation économique ou politique avec l'Europe de l'Ouest qui est vue d'un œil suspect par Moscou.

A partir de 1948, les Tchécoslovaques sont confrontés à la collectivisation des biens productifs, et notamment des terres agricoles. La planification économique ordonne de grands investissements industriels et de nombreux quartiers urbains sont construits, entraînant le déplacement de populations rurales vers les villes.

L'échec du Printemps de Prague

En 1953, la Tchécoslovaquie ne profite pas de la mort de J. STALINE pour se tourner vers la libéralisation. Les conditions internes sont en effet favorables au conservatisme : les performances économiques sont plutôt meilleures que dans les autres pays de l’Est, l’intelligentsia reste loyale envers le Parti et le caractère multi-éthnique du pays empêche la constitution de mouvements unis d’opposition.

Pendant l'année 1968, le Secrétaire du Parti Communiste tchécoslovaque A. DUBCEK et les communistes tchécoslovaques entreprennent l'instauration d'un socialisme à visage humain, qu'ils nomment " Printemps de Prague ". La Slovaquie recouvre une forme d'autonomie politique dans le cadre d'une République tchéco-slovaque devenue fédérale, dotée de deux parlements et de deux exécutifs fédérés. Les dirigeants tchécoslovaques refusant de mettre un terme à leurs réformes comme l'intime l'URSS, les troupes du pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie le 21 août 1968 et détachent quatre-vingt mille soldats en permanence dans le pays. En signe de protestation, l'étudiant J. PALACH s'immole par le feu sur la place VENCESLAS à Prague. Cette normalisation violente, unanimement condamnée par la communauté internationale, a fortement dégradé l'image de l'Union soviétique.

 

Le douteux miracle économique tchécoslovaque

Du fait de sa vocation industrielle, antérieure au communisme, la Tchécoslovaquie était le pays le plus industrialisé du CAEM. Elle se distingue dans un premier temps par un très fort taux moyen de croissance, estimée à 7,5 % du Produit Matériel Net (PMN) à prix constant entre 1948 et 1975, mais il est aujourd’hui accepté que ces chiffres ont été nettement exagérés. Dans les faits, la situation économique se détériore à partir de 1963. La forte centralisation de la planification, de la même manière qu’en Albanie ou qu’en URSS, étouffe l'économie. Une commission d’experts conclut que les réformes économiques doivent déboucher sur des réformes politiques, qui donneront naissance à Printemps de Prague.

Les résultats économiques se détériorent à nouveau après le Printemps de Prague, qui conduit la même année à la création de l’État fédéral. Le pays est confronté à une pénurie de main-d’œuvre, due à une forte baisse de natalité à partir des années 1940. La croissance ralentit dans les années 1970, stagne dans les années 1980, et devient la plus faible des pays de l’Est entre 1985 et 1988 (cf. tableau).

Croissance économique comparée

 

Taux de croissance annuel du PIB (en volume)

Taux de croissance du PIB par habitant (en volume)

 

1951-1973

1974-1982

1983-1988

1951-1973

1974-1982

1983-1988

Tchécoslovaquie

3,8

1,8

1,8

3,1

1,1

1,4

Europe de l'Est (moyenne pondérée des PIB)

4,7

1,9

2,7

4,0

1,3

2,3

Pays industrialisés

4,9

2,1

3,1

3,7

1,4

2,5

Source : FMI

La négation des libertés publiques

Entre 1948 et 1989, les libertés publiques en Tchécoslovaquie ont été réduites à leur plus simple expression. Le communisme n'était pas une idéologie à vocation exclusivement économique ou politique. Ayant la force d'une institution, il transparaissait dans l'ensemble de la vie en société. Sa mainmise sur les jeunes générations s'illustrait par des programmes d'études doctrinaires et démagogiques. Les enfants et les adolescents devaient sans exception adhérer aux organisations de " pionniers ", sorte de scoutisme doctrinaire. La propagande se poursuivait auprès des adultes grâce à l'action colossale des services de renseignements. De plus, l'institutionnalisation de la délation anonyme de " voisinage " transformait chaque citoyen en un policier potentiel. D'autre part, il existait de strictes limitations à la liberté de circulation à l'intérieur et hors des frontières de l'ancien Bloc de l'Est, ainsi qu'à la liberté d'opinion, notamment religieuse. Conformément à la doctrine marxiste, la religion, " opium du peuple " était accusée d'asseoir la domination des riches sur les pauvres. Tout ce qui n'était pas explicitement autorisé était interdit.

Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire étaient en théorie répartis entre le gouvernement, les Conseils (dont le Soviet suprême) et les Cours de Justice mais, en fait, tous les pouvoirs revenaient au Parti. L'existence de partis d'opposition aux régimes était inconcevable ; l'idéologie, prétendue scientifique, se voulait incontestable et ne tolérait aucune alternative. Il était en particulier obligatoire de voter pour le candidat communiste de son " choix ", sous peine d'encourir des poursuites étendues.

La violence de la répression en cas de soulèvement apparaissait suffisamment coercitive pour réduire les conflits et les troubles à l'ordre public. Les nouveaux communistes au pouvoir à partir de 1968, ultra-orthodoxes, étaient impopulaires mais ils usaient de moyens coercitifs pour maintenir un calme relatif. La vie en Tchécoslovaquie se caractérisait alors par une apathie générale, même si des mouvements clandestins, telles que Charta 77, apparaissaient.

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